Présidentielle en Côte d’Ivoire : Tidjane Thiam, de l’intellectuel respecté à l’agitateur politique
« Nous avons sept jours pour libérer la Côte d’Ivoire. »
Cette phrase, lancée par Tidjane Thiam lors d’un rassemblement à Paris le 18 octobre, a provoqué un choc politique à Abidjan. Dans un pays encore marqué par la crise post-électorale de 2011 — qui fit plus de 3 000 morts — ces mots ravivent un souvenir douloureux et un danger réel : celui d’un retour à la confrontation. Car appeler, même implicitement, à « libérer » un pays par la rue, c’est flirter dangereusement avec l’idée de l’insurrection.
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- Par , Une contribution de Paul Ehouman.
- Tidjane Thiam et la tentation du chaos.
L’expression est lourde de sens et de conséquences. Elle ne peut être prise à la légère dans un État qui a payé au prix fort les fractures politiques et la violence post-électorale. Une telle sortie, surtout venant d’un responsable de la stature de Tidjane Thiam, n’est pas seulement maladroite — elle est politiquement irresponsable. Les Ivoiriens aspirent à la stabilité, au dialogue et à la paix. Les mots du président du PDCI-RDA viennent, au contraire, semer le doute, raviver les blessures et donner des arguments à ceux qui voient dans la classe politique une menace plus qu’un rempart.
Un président du PDCI désavoué par son propre camp
S’il demeure président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam semble de plus en plus isolé dans son propre parti. Plusieurs cadres influents du PDCI se disent « estomaqués » par la radicalité de sa déclaration. L’un d’eux, sous couvert d’anonymat, n’a pas mâché ses mots : « Tidjane Thiam est un pyromane. Il n’a même pas un lopin de terre en Côte d’Ivoire, même pas deux mètres carrés. Quelqu’un comme ça peut mettre le feu à notre pays, parce qu’en réalité, il le brandit par opportunisme, mais il ne le porte pas dans son cœur. » Ces propos traduisent le malaise croissant au sein du PDCI, dont plusieurs figures historiques estiment que leur président trahit l’esprit d’Houphouët-Boigny, fondé sur la paix, la mesure et le dialogue.
Un combat à distance, sans légitimité politique
Depuis février 2025, Tidjane Thiam n’a plus remis les pieds en Côte d’Ivoire. Il mène sa bataille à distance, entre conférences, plateaux télé et tribunes médiatiques. Ce mode d’action, qui peut séduire les réseaux sociaux, reste sans prise sur la réalité du terrain. La politique ivoirienne se joue dans les quartiers, les villages, les marchés, pas dans les salons parisiens. Comment prétendre comprendre les aspirations du peuple ivoirien quand on n’en partage plus ni la chaleur, ni les contraintes, ni la vie quotidienne ? Ce combat médiatique sans ancrage, mené depuis l’étranger, fragilise sa crédibilité et donne le sentiment d’un homme coupé du réel, plus préoccupé par sa visibilité que par le sort de ses concitoyens.
Guillaume Soro : une leçon oubliée
Le cas de Tidjane Thiam rappelle celui de Guillaume Soro, qui en 2021, depuis Paris, lançait déjà des appels similaires à la révolte. Face à ces propos, les autorités françaises avaient déclaré l'ancien Premier ministre, persona non grata. De même, d’autres ressortissants étrangers ayant tenu des discours d’incitation à la violence ont été écartés de France. Dès lors, une question s’impose : quelle sera la réaction de Paris face à Tidjane Thiam ? D’autant que le président français Emmanuel Macron, ami personnel de l’ex-banquier, devra arbitrer entre amitié privée et principe républicain. La France acceptera-t-elle qu’un homme politique étranger utilise son sol pour appeler à la déstabilisation d’un État démocratique ?
Un intellectuel respecté devenu un danger pour la stabilité
Brillant technocrate, ancien dirigeant du Crédit Suisse et modèle de réussite, Tidjane Thiam a perdu ce qui faisait sa force : la mesure et la rigueur. Aujourd’hui, il agit comme un homme emporté par ses propres mots, prêt à attiser les braises pour exister politiquement. Son discours, au lieu d’inspirer, inquiète. Au lieu de rassembler, il divise. Au lieu de construire, il menace. Le pays qu’il prétend vouloir « libérer » ne demande pas à être sauvé par la colère, mais à être protégé par la raison. La Côte d’Ivoire de 2025 n’a plus rien à voir avec celle de 2011. Elle a avancé, consolidé ses institutions, appris la valeur de la stabilité. Ceux qui prétendent la diriger devraient s’en souvenir. Les Ivoiriens veulent tourner la page des crises, pas la rouvrir. Depuis Paris, Tidjane Thiam joue avec des allumettes au-dessus d’une plaie à peine cicatrisée. Il serait temps que la raison politique l’emporte sur la provocation. Car les mots, lorsqu’ils deviennent incendiaires, peuvent rallumer le feu. Et cette fois, c’est la Côte d’Ivoire entière qui en paierait le prix.
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